Ils sont 83 noms de soldats morts pour la France en 14-18 sur les monuments aux morts de Kergoat et Quéménéven.
Parmi eux, Yves Trellu, le frère de ma grand-mère, sous-lieutenant au 4ème régiment d’infanterie, mort à 22 ans le 13 décembre 1916 dans les environs de Verdun après avoir pris une balle dans la tête quelques jours plus tôt et Sébastien Trellu, son petit-cousin, soldat au 118ème régiment d’infanterie de Quimper, mort lui aussi à 22 ans le 4 octobre 1915 lors de la seconde bataille de Champagne.
Pour commémorer le centenaire de la Grande guerre, je me suis lancée, en novembre 2013, avec l’accord de la mairie de Quéménéven dans le projet de retrouver le maximum d’informations sur un maximum de ces 83 soldats. L’idée est d’inciter les familles à ressortir des greniers les témoignages qu’elles ont encore (photos, cartes postales, médailles, carnets…).
L’objectif final est l’organisation d’une exposition le 11 novembre 2014, pour redonner une identité à ces 83 soldats et resituer leur parcours dans le cadre de la grande guerre.
Point de départ : le site Mémoire des Hommes
Les deux monuments aux morts de Quéménéven donne la liste des soldats par classe d’âge et grade. A partir de ces informations, une recherche dans les fiches des soldats morts pour la France du site Mémoire des Hommes du Ministère de la Défense a permis de retrouver pour 77 d’entre eux leur date et lieu de naissance et le lieu où l’acte de décès a été retranscrit, ce qui donne une indication sur leur domicile immédiatement avant guerre.
Plus tard, j’ai découvert que les 6 qui ne sont pas répertoriés sur le site Mémoire des Hommes, mais qui ont pourtant été déclarés morts pour la France, sont en fait morts de maladie, essentiellement de tuberculose et dans leurs foyers.
Rechercher les informations familiales et civiles
Avec la date et le lieu de naissance, il a été possible d’interroger la base RECIF du Centre généalogique du Finistère pour trouver les parentés, et avoir des indications sur les mariages, notamment pour chercher les descendants susceptibles d’avoir des témoignages.
Ces recherches ont permis de relever la présence de plusieurs membres des mêmes familles sur ces monuments aux morts : ici ce sont trois frères, là ce sont deux frères (cas qui se retrouve 3 fois), ici encore deux beaux-frères, ou encore deux petits-cousins.
Les données ont été complétées par un épluchage systématique des registres d’état-civil, duquel il ressort que 28 de ces 83 soldats étaient mariés, parmi lesquels 22 d’entre eux avaient au moins un enfant, l’un d’eux en avait même 5. Ce qui laisse supposer de drames humains.
Le dépouillement des actes de décès, pour certains transcrits dans la commune bien après la guerre, donne aussi parfois des indications sur la profession immédiatement avant guerre. De même que le recensement de 1911, accessible en ligne sur le site des archives départementales du Finistère, donne aussi une idée de ce que faisaient ces hommes, trois ans avant le début du conflit. Parmi les professions représentées, Quéménéven étant une petite commune rurale du Finistère, ce sont surtout des cultivateurs, terrassiers, charretier, journaliers, domestiques ou fils de patron, plus rarement patrons de ferme. On trouve aussi un cantonnier, un forgeron, un sabotier, un tailleur d’habit, un cocher et un instituteur.
Rechercher des informations sur le parcours militaire
Le gros point noir de cette recherche est l’absence des fiches matricules. Celles-ci regroupent toutes les informations recueillies sur un soldat, depuis son recensement jusqu’à la fin de ses obligations militaires. Elles sont normalement accessibles aux archives départementales, et en ligne pour certains départements. Or si les archives départementales du Finistère viennent de mettre en ligne les fiches matricules des classes 1867 à 1891 (ce qui ne concerne qu’un de nos soldats), les autres sont en cours de numérisation et non communicables pour des raisons sanitaires. On devrait voir dans le courant 2014 arriver en ligne les fiches des classes 1892 à 1903, ce qui permettra d’avoir des détails sur 18 soldats de plus. Patience…
Les fiches des Morts pour la France du site Mémoire des Hommes donnent de précieuses informations sur le corps auquel appartient le soldat au moment de sa mort, le lieu du décès et le type de décès (suite de blessures de guerre, disparu, tué à l’ennemi…). De même, les actes de décès apportent parfois des précisions sur les compagnies auxquelles appartenaient les soldats au moment de leur mort.
Comme il fallait s’y attendre, ce sont essentiellement des fantassins, des régiments bretons (118ème régiment d’infanterie de Quimper, 62ème RI de Lorient, 116ème de Vannes, 2ème régiment d’infanterie coloniale de Brest…) mais pas seulement. Il était en effet fréquent de changer de régiment au retour d’une blessure, après une promotion… Outre l’infanterie, on compte aussi parmi ces soldats, deux marins, quatre cavaliers, un artilleur et un caporal d’un bataillon de tirailleur sénégalais.
Reste donc à examiner les journaux de marche et des opérations des régiments, brigades, division… pour comprendre dans quelles circonstances ils ont trouvé la mort. C’est ainsi qu’on comprend, comment 11 d’entre eux ont trouvé la mort pendant la bataille des frontières et la retraite qui en a suivi, entre le 22 août et le 5 septembre 1914, comment sept autres ont été tués pendant la seconde bataille de Champagne du 25 septembre au 7 octobre 1915, ou encore comment le plus jeune de ces soldats, 18 ans et demi, perd la vie dans le naufrage de l’Amiral Charner au large des côtes de Syrie, le 8 février 1916.
Restituer les résultats
Les informations recueillies sur chacun des soldats sont consignées dans une fiche qui sera remise aux familles qui ont été retrouvées. Cette fiche consigne la situation avant la guerre (naissance, recensement de 1911, mariage, profession, enfants), les informations pendant la guerre (notamment, unité, grade, circonstances du décès, lieu d’inhumation).
Un blog, www.quememoires.org, permet de rendre compte des découvertes, notamment liées à l’exploration des JMO – les informations familiales n’étant pas divulguées.
Plusieurs témoignages ont, à ce jour, été recueillis auprès des familles (photos de soldats, carnet de route, médailles, artisanat des tranchées), y compris sur des soldats qui ne sont pas morts à la guerre mais qui y ont été gravement blessés. La quête se poursuit pour étoffer l’exposition prévue en novembre 2014. Voici qui explique aussi pourquoi les carnets de Kadorg ont quelque peu été délaissés ces derniers temps…
Quel beau travail ! C’est une bonne idée d’envisager globalement tous les morts d’un village. Je vou ssouhaite du succès dans la suite de vos recherches.
Merci ! Partie pour retrouvez des témoignages sur ces soldats dans les greniers du village, finalement c’est toute la guerre qui s’éclaire au travers des parcours individuels, toutes les phases du conflit sont illustrées à travers ces soldats, toutes les grandes batailles sur le front occidental, et quelques unes hors de nos frontières (Italie, Serbie) et sur mer… De la petite histoire, on arrive à la grande ! Un seul regret, celui de ne pas connaître l’identité de ceux qui sont revenus blessés, et dont le drame a été tout aussi important.