Tailleurs d’habit pendant près de 200 ans et sur 6 générations

tailleur1La branche Le Grand révèle une intéressante lignée de tailleurs d’habit, partie de Landudal pour s’installer durablement à Plogonnec, ou plutôt en Plogonnec.

La profession de tailleurs d’habit

Comme son nom l’indique, le tailleur d’habit (kemener) est celui qui découpe les tissus et les assemble pour fabriquer les habits aux mensurations des commanditaires. Il se déplace de ferme en ferme au gré des commandes. Il a ainsi son « modèle » sous la main pour ajuster la coupe et l’assemblage, et le client peut constater l’avancement des travaux. Il arrive que sa femme l’accompagne et assure les travaux de couture.

La petite histoire raconte que, connaissant la situation de chacune des familles pour lesquelles il a travaillé, le tailleur a pu jouer le rôle d’entremetteur (bazhvalan) pour arranger les mariages.

Etaient-ils tailleur et brodeur ? Ou uniquement tailleur ? (source Hélène Cario – Les origines de la broderie en Bretagne)

Avant la révolution, la confection des broderies et dentelles, ornements de prestige, est soumise aux lois somptuaires, et les maîtres brodeurs et les ateliers des congrégations religieuses en ont le monopole. L’usage de la broderie est interdit aux tailleurs des autres classes sociales.

Avec l’abrogation des lois somptuaires, l’industrialisation progressive de la fabrication des textiles, le développement économique, le 19ème siècle voit l’explosion et la diversification des ornementations des costumes

« L’art de la parure trouve bien sûr sa pleine expression dans les costumes de fête. Avec le développement des savoir-faire des tailleurs et des lingères et la diffusion de nouveaux matériaux, les techniques de confection se précisent, les motifs se spécifient et leur exécution gagne en qualité. D’abord discrètes, les broderies recouvrent progressivement jupes, tabliers, corsages, vestes, châles, rubans, cols, coiffes… chacun voulant en montrer davantage. Dans la deuxième moitié du XIXème siècle, apparaît ainsi une ornementation riche et variée, distincte d’un terroir à un autre.

La profession aussi s’organise : itinérants à l’origine, les tailleurs se sédentarisent, ouvrent des ateliers dans les bourgs et s’équipent de machines à coudre. Ils se font « tailleurs-brodeurs », ou « brodeurs », se répartissant les tâches de façon à optimiser la confection. Rivalisant d’habileté et de créativité pour parer leur clientèle, ils intègrent la mode dans le costume traditionnel, avec leur interprétation locale. Leurs talents vont dépasser les frontières bretonnes et certains se font remarquer aux expositions universelles parisiennes. »

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Nos ancêtres tailleurs d’habit

1ère génération : Le 7 août 1698, à Landudal, Jan Le GAC, de Landrévarzec, tailleur d’habits, épouse Isabelle Le Moign, fille de Augustin. Ils vivent à Landudal où naissent leurs 6 enfants.

2ème génération : Leur fille Yvonne, épouse Jan Dornic, lui aussi de Landudal, le 11 février 1733. Ils vivent successivement à Landudal, puis à Landrévarzec (Kerserven) et enfin à Briec (Kerviel) où naissent les 3 derniers de leurs 8 enfants, et où décède Yvone Le Gac en 1776, à 68 ans. Jan Dornic quant à lui est mort à 55 ans, en 1761, à Sainte Cécile à 2 ou 3 kms de Kerviel.

Était-il lui aussi tailleur d’habit, comme son beau-père ? Probablement car ses deux fils, Allain, de Briec, et Hervé, de Plogonnec, sont tous les deux tailleurs.

3ème génération : Hervé Dornic, dernier né en 1749, épouse Jeanne Le Bras, à Plogonnec le 27 janvier 1777. Au moment de son mariage, il est domicilié à Plogonnec où il est tailleur d’habit. Il meurt à 57 ans à Stanquilliou.

4ème génération : Hervé Dornic et Jeanne Le Bras ont eu deux enfants.François, né en 1780, sera tailleur d’habit. Il épouse Marie Anne Bozec en 1806. Ils décèdent tous les deux à Plogonnec (Kerfelgant) en 1842 et 1847, sans avoir eu d’enfant semble-t-il.

Marie Jeanne, née en 1785, épouse Yves Le Grand le 28 décembre 1806. Yves Le Grand est orphelin (voir article précédent). Son père, Gabriel meurt à Quéménéven, 4 mois après son mariage. Et sa mère, Anne Feuillant meurt le 1er janvier 1786, Yves n’a pas encore 6 ans.

Yves sera tailleur d’habit comme son beau-père Hervé Dornic. Peut-être a-t-il appris le métier auprès de lui ?

5ème génération : Marie Jeanne Dornic et Yves Le Grand ont une fille et 4 fils, tailleurs d’habit tous les 4.

L’aîné des fils, François Le Grand épouse Marie Jeanne Droval à Plogonnec le 25 novembre 1844. Il meurt à Kervao après 7 courtes années, laissant 3 enfants, dont l’aîné Jean a à peine 5 ans (voir article précédent). Marie Jeanne Droval se remarie. Son fils Jean, le père de mon arrière-grand-mère, Marie-Renée Le Grand, sera journalier.

Le second, fils du couple Le Grand-Dornic, Yves, et le plus jeune, Vincent, épousent les deux sœurs Jeanne et Marie Anne Cuzon. Les mariages ont lieu à Plogonnec, le 4 novembre 1844 pour Yves et Jeanne, et le 23 août 1846 pour Vincent et Marie Anne.

6ème génération : Vincent et Marie Anne auront 5 enfants, les 2 premiers naissent à Kerfelgant, les 2 autres à Gouesnach et le dernier à Gorréquer, ces trois lieux-dits étant sur la commune de Plogonnec. Deux de leurs fils, Jean et Jean-Pierre Le Grand sont eux aussi tailleurs d’habits au moment de leur mariage à Plogonnec, en 1873 et en 1880.

Jean-Pierre épouse Marie Anne Croissant, le 25 avril 1880. Son frère aîné, Jean a épousé Marie Jeanne Poupon, couturière, le 29 juin 1873, avec comme témoins de leur mariage, le beau-frère de Marie Jeanne, et son oncle paternel eux aussi tailleurs d’habit.

C’est avec Jean et Jean-Pierre Le Grand que se termine, semble-t-il, la lignée des Le Grand, tailleurs d’habit. Avec l’avènement du XXème siècle, les générations suivantes seront facteur, employé de chemin de fer, instituteur…